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Barème Macron - Le contrôle de conventionnalité (3 étapes pour 3 méthodes)



Les trois étapes


La « conventionnalité » de la loi exprime sa conformité à une norme conventionnelle issue de l’ordre juridique international. Il s’agit d’une nécessité fondée sur la pyramide des normes en droit français. Dans l’ordre juridique national, les conventions internationales disposent d’une valeur juridique supérieure à la législation quoiqu’inférieure à la constitution. Aussi, la validité d’une loi suppose qu’elle soit conforme, tant aux conventions internationales qui lient la France au premier degré, qu’à la constitution au second degré.


Le contrôle de conventionnalité n’est pas opéré par le Conseil constitutionnel mais par les juges, qu’ils relèvent de l’ordre :

  • administratif - depuis l’arrêt « Nicolo » (n° 108243) rendu le 20 octobre 1989 par le Conseil d’Etat;

  • ou judiciaire - depuis l’arrêt « Jacques Vabre » (n° 73-13556) rendu le 24 mai 1975 par la Cour de cassation.

Toutes les normes conventionnelles ne sont pas éligibles à un tel contrôle. Seules les conventions internationales directement applicables dans l’ordre juridique français peuvent servir à contrôler la conventionnalité d’une loi. L’applicabilité directe désigne l’aptitude des stipulations d’une convention à être appliquées directement en justice, sans que les autorités nationales aient à en préciser le contenu par des normes intermédiaires d’application. En droit européen, les règlements sont d’application directe, à l’inverse des directives qui sont d’application indirecte.


Plus généralement, l’applicabilité directe d’une convention est évaluée article par article, selon deux critères cumulatifs de nature jurisprudentielle.


La stipulation visée doit :


  • contenir une prescription individuelle de comportement – auquel s’oppose un droit subjectif – dont la teneur est suffisamment précise;

  • et manifester l’intention de son auteur (la France notamment) de lui conférer une applicabilité directe.

Il appartient aux juges du fond – des faits et du droit, soit de première instance et d’appel, d’y procéder, sous le contrôle des juges du seul droit, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat.


L’application directe d’une norme conventionnelle ne préjuge pas de son « effet direct ».


Bien qu’elles soient régulièrement confondues, y compris par la Cour de cassation elle-même, les deux notions décrivent des caractéristiques normatives différentes.


L’effectivité directe indique la possibilité pour un particulier d’invoquer une stipulation conventionnelle et de l’opposer à un autre particulier – effet direct « horizontal » - ou à l’administration française – effet direct « vertical » - dans le cadre d’un litige. Si toutes les normes d’effet direct sont forcément d’application directe ou directement applicable en droit français, la réciproque n’est pas toujours vraie. Le plus souvent, les normes conventionnelles qui s’appliquent directement en droit français ne disposent pas d’une effectivité directe au sens où elles ne peuvent être opposées à un particulier ou à l’Etat devant un juge.


La possibilité de contrôler la conventionnalité d’une loi est subordonnée à l’applicabilité directe de la norme conventionnelle et non à son effectivité directe. Autrement dit, l’effet direct ou indirect de la stipulation conventionnelle n’influe pas sur la possibilité de s’en servir comme base de contrôle au titre de son applicabilité directe.


Il ne s’agit pas pour les plaideurs de revendiquer l’application des stipulations conventionnelles en lieu et place de dispositions législatives, mais d’écarter l’application de ces dernières au profit d’autres dispositions de droit interne. L’inapplication de la norme légale ou réglementaire inconventionnelle n’implique pas l’application substitutive de la norme conventionnelle de référence, mais celle d’une autre norme légale ou réglementaire disponible.


Pour schématiser, le contrôle de conventionnalité des barèmes « Macron » inscrits à l’article L1235-3 du code du travail se réalise en trois étapes successives :

  1. l’identification de normes conventionnelles pertinentes (potentiellement contraires);

  2. la vérification de leur applicabilité directe ;

  3. et l'évaluation de la conformité de l’objet contrôlé.

Les trois méthodes


De quelle manière évalue-t-on la conventionnalité d’une loi ? A la lumière des premiers jugements et arrêts rendus sur la question, force est de constater que la réponse apportée dépend surtout de la méthode de contrôle adoptée.


Pour résumer, trois méthodes différentes sont utilisées :


  1. Le contrôle de droit, dit « abstrait » ou « in abstracto », qui évalue la règle en la confrontant à d’autres règles plutôt qu’à ses conséquences concrètes et tend ainsi à valider – appliquer - le nouveau dispositif ;

  2. Le contrôle de fait, dit « concret » ou « in concreto », qui évalue les conséquences concrètes de la règle plutôt que la règle elle-même et tend ainsi à invalider – rejeter - le nouveau dispositif ;

  3. Le contrôle mixte, qui essaie d’articuler au mieux les deux types précédents et tend à valider en droit le nouveau dispositif sous réserve de la proportionnalité de ses conséquences de fait.

C’est par une approche in abstracto que la Cour de cassation consultée pour avis a validé le dispositif. Plusieurs Conseils de prud'hommes (ci-après CPH) et la Cour d’appel de Paris ont également retenu cette approche. Pourtant, la généralisation du contrôle de la loi perd de vue les difficultés particulières qu’elle présente face à des salariés de faible ancienneté.


Adoptée par d’autres CPH, l’approche « in concreto » n’est pas satisfaisante non plus pour la raison inverse. L’individualisation du contrôle de la loi perd de vue les difficultés générales qu’elle présente face à des salariés de forte ancienneté.


Enfin, plusieurs décisions ont développé une méthode du troisième type combinant les deux premières. Le CPH de Grenoble et les Cours d’appel de Paris et de Reims ont validé de principe la conventionnalité « in abstracto » de l’article L1235-3 du code du travail, tout en réservant à titre d’exception la possibilité d’un jugement d’inconventionnalité « in concreto » selon les faits pertinents de chaque affaire.


Autrement dit ces juridictions ont retenu que les tribunaux pouvaient écarter au cas par cas l’application des fourchettes d’indemnisation lorsque la mise en balance des éléments disponibles aboutirait à une indemnité d’un montant inadéquat.


Toute la question est de savoir vers quelle solution la jurisprudence va basculer. Il est certain que la décision de la Cour de cassation dans un cadre contentieux sera très éclairante sur ce sujet riche de polémiques et d’incertitudes.

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