Coronavirus - La force majeure en droit des contrats
- Stéphane SÉLÉGNY
- 19 mars 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 mars 2020

Les bouleversements résultant de la crise du coronavirus, en ce compris les dispositions d’urgence édictées par les pouvoirs publics pour lutter contre l’épidémie, affectent tous les secteurs d’activités avec plus ou moins de force. Les conséquences sociales (chômage technique, télétravail, arrêts de travail, etc.) et économiques (réduction des effectifs, de l’approvisionnement, des commandes, etc.) de la crise sanitaire font qu’un certain nombre d’entreprises ne vont plus être en mesure de satisfaire à l’exécution normale de leurs obligations contractuelles.
La question consiste à savoir si la force majeure, qui permet la suspension et ou la résolution de plein droit des contrats rendus inexécutables, est susceptible ou non de s’appliquer.
L’article 1218 du code civil dispose:
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations » du code civil.
Eu égard à ses répercussions, la notion de « force majeure » est strictement encadrée.
L'évènement considéré doit remplir les trois conditions :
d'imprévisibilité;
d'irrésistibilité;
et d'extériorité aux parties.
L'absence de maitrise sur le cours des évènements est une condition souvent acquise. En revanche, leur caractère imprévisible est plus délicat à établir. Il faut en effet que la partie qui l’allègue démontre qu’elle ne pouvait pas « raisonnablement prévoir » que de tels évènements se produiraient au moment de la signature de ses engagements contractuels.
Naturellement, si l’engagement a été signé après le 29 février 2020 le caractère imprévisible sera écarté car c’est à cette date que le gouvernement a annoncé le passage en phase 2 de l’épidémie. Il est clair qu’à cette date les évolutions de l’épidémie étaient prévisibles.
À moins qu’ils ne stipulent une clause de résolution pour cause d’épidémie, les contrats conclus postérieurement à cette date risquent fort de ne pas répondre aux conditions légales de la résolution pour cause de force majeure.
S’agissant des engagements pris dans les semaines ayant précédé cette date, la nature imprévisible du covid-19 resterait vulnérable face à l'historique du développement de l'épidémie à l'étranger.
On pourrait faire valoir qu’on n’a pas vu un tel phénomène en France depuis de très nombreuses années mais on pourra rétorquer que le phénomène n’est pas nouveau au point que le code du travail envisage la situation de pandémie et que certains comme Bill Gates en avaient prévu la survenance il y a plusieurs années.
Pour que la force majeure soit retenue, il faut encore démontrer qu’aucune « mesure appropriée » ne permettait à l’entreprise concernée de continuer à exécuter en tout ou partie ses obligations. Il faut donc que l’événement soit irrésistible.
Il convient par ailleurs de distinguer selon que l’inexécution est permanente ou uniquement temporaire. L’impossibilité temporaire donne lieu à la suspension du contrat alors qu’à l’inverse une impossibilité définitive entrainera sa résolution.
Les effets varient notamment selon la nature de l’obligation. S'il s'agit d’un événement unique, par exemple un vol sur un avion déterminé à une date déterminée, l’exécution ne pourra plus être exécutée une fois l’événement terminé; alors que s'il s’agit d’une prestation à exécution successive (par exemple des prestations de ménage), le contrat pourra être à nouveau exécuté à la fin de la pandémie.
Il faut donc examiner la situation de fait pour apprécier l’existence ou non d’un cas de force majeure. Il faut également regarder les dispositions contractuelles qui ont pu aménager, réduire ou accueillir plus largement le cas de force majeure.
En pratique, l’effet de la force majeure est que les engagements qui ne peuvent être exécutés du fait de telles circonstances n’obligent plus leur débiteur, si bien que leur inexécution ne puisse plus être invoquée par le créancier en vue d’obtenir des dommages et intérêts.
La force majeure est donc un motif d’exonération fort et efficace mais les tribunaux ne l’admettent que de façon extrêmement restrictive de sorte qu’il n’est pas rare que ce motif d’inexécution ou de rupture donne lieu à des débats judiciaires passionnés à l’issue incertaine.
Si vous envisagez d’utiliser le motif de force majeure, nous vous recommandons de le notifier au plus tôt à votre cocontractant.
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